À la rencontre de Mademoiselle Lenormand...

Mademoiselle Lenormand, personnage haut en couleurs, a été l’une des plus grands voyantes du XIXème siècle. Un jeu divinatoire porte son nom. Marie-Anne-Adélaïde Lenormand a vu le jour en 1772. Elle a été placée à l’âge de sept ans à l'Abbaye Royale des Dames bénédictines, à Alençon, sa ville natale. Les sœurs de l’Abbaye, en charge de son éducation, ont rapidement réalisé que cette petite fille était « différente ». En effet, Marie-Anne-Adélaïde faisait des prédictions d’une grande justesse. En raison de ce comportement trop original, et dangereux pour la cohésion de la communauté, les sœurs lui ont demandé de quitter l’Abbaye. Marie-Anne-Adélaïde Lenormand est ensuite devenue apprentie couturière. Jeune fille, elle avait toujours un jeu de cartes divinatoires sur elle. On lui demandait déjà quelques éclairages, ici et là. La demoiselle avait du tempérament. Elle voulait réussir. Alors, elle a décidé de rejoindre la capitale. En pleine période révolutionnaire, elle a rencontré Madame Gilbert, une cartomancienne qui n’avait pas froid aux yeux. Cette dernière lui a appris les rudiments du métier.

À l’âge de 21 ans, elle a pris son envol. Elle a ouvert un cabinet d’écrivain public au 5, rue de Tournon, à Paris. Il s’agissait d’une couverture car en réalité, Mademoiselle Lenormand exerçait le métier de voyante dans son arrière-boutique. Mais l’heure était à la Révolution française, il fallait rester discrète… La jeune femme était une passionnée d’ésotérisme. Elle a développé de nombreuses autres techniques divinatoires. Elle lisait notamment l’avenir dans les lignes de la main ou dans le marc de café. La réputation de Mademoiselle Lenormand a grandi de plus belle. Dans son cabinet, de nombreux consultants de renom attendaient leur tour. Le peintre David, Robespierre, Marat, Tallien, Saint-Just, Joséphine de Beauharnais et de nombreuses autres grandes figures de cette époque troublée ont fait partie de ses fidèles clients.

Malgré la véracité de ses révélations, Mademoiselle Lenormand provoquait l’agacement, et parfois la peur. Elle en savait beaucoup sur tant de gens de la haute société… La vie de Mademoiselle Lenormand n’a pas été un long fleuve tranquille. Ses ennuis ont surtout démarré lorsqu’elle s’est liée d’amitié avec la Comtesse de Beauharnais, la première épouse de l’Empereur. Ce dernier avait interdit à sa femme de revoir cette voyante (précisons que Mademoiselle Lenormand avait annoncé à la Comtesse son divorce avec l’Empereur). Bien entendu, elle a passé outre les recommandations de son mari. Mademoiselle Lenormand en a fait les frais. Elle a été emprisonnée à plusieurs reprises. Mais la voyante du Tout Paris avait du caractère ! Ces accidents de parcours n’ont pas entamé son moral pour autant. D’ailleurs, ces arrestations répétées ont renforcé sa cote de popularité. Son cabinet de voyance ne désemplissait pas. Au fil des années, sa renommée est devenue internationale. On l’invitait dans les grandes villes d’Europe, comme à Vienne, à Genève, à Saint-Pétersbourg. Elle était admirée, mais aussi crainte car elle savait percer tous les secrets, grâce à son sixième sens et à son carnet d’adresses bien rempli. La vie de Mademoiselle Lenormand a été un véritable roman. D’ailleurs, elle n’a eu de cesse de mettre en mots tout ce qu’elle vivait : ses rencontres exceptionnelles avec les grands de son monde, les secrets de chacun… En écrivant sa biographie, elle a levé le voile sur l’autre Histoire de France, celle qui se construisait en coulisses. Mademoiselle Lenormand aura marqué son siècle d’une pierre blanche. Elle est partie sur l’autre rive, en 1843. Propos recueillis par Anne BOUQUET